Au XVIIIe siècle la vigne est une source importante de revenus pour les grands propriétaires. Les ménagers sont eux aussi en position favorable puisqu’ils sont propriétaires de leur terre les nourrissants et peuvent vendre une partie de leur récolte. Ainsi ils forment une couche sociale de transition entre la paysannerie et la bourgeoisie. Au début du XIXe siècle les grands propriétaires, contrairement aux cultivateurs n’ont pas une fortune essentiellement liée à l’agriculture, en effet la plupart sont des notables locaux exerçant des professions ayant des revenus importants (médecin, avocat, notaire,…). Pour eux la possession foncière est un moyen d’asseoir leur notoriété ainsi que de s’enrichir du fait du bon rendement du vin. Ces grands propriétaires participent à la modernisation de l’agriculture puisque la profession qu’ils exercent à côté de l’exploitation viticole leur permet donc d’investir dans les nouvelles techniques de culture de la vigne, et à fortiori si des contrats de fermage sont en place au sein de leur propriété.
Dans cette deuxième partie du XIXe siècle le chai se révèle être un élément clé et caractéristique de la grande propriété, comme par exemple dans le château de Saurs construit entre 1848 et 1851. Le chai de cette propriété permet à l’activité vinicole de se dérouler sous la demeure du propriétaire puisque ce dernier est situé en soubassement, cette activité contribue au rayonnement du château. Ce schéma d’organisation va être repris durant la seconde moitié du XIXe siècle et est le témoin d’un volonté d’attribuer au vin une place de choix, dans une période où ce dernier est synonyme d’enrichissement, ainsi que de permettre un spécialisation des domaines.
Vue de la façade Nord du château de Saurs.
Après la crise du phylloxéra on observe un changement de nature de l’agencement des chais, désormais seul leur caractère utilitaire est pris en compte et non plus l’aspect notable caractéristique de la grande propriété. Ces chais sont ajoutés aux domaines pour faire face à l’augmentation de la production de vin. Bien entendu ce n’est pas seulement le chai qui a permis aux grands propriétaires de s’enrichir durant le XIXe siècle, le phénomène de désenclavement des campagnes qui commence sous le Second Empire, en particulier avec la loi de 1868 qui accorde aux communes (gérées par les notables locaux) des subventions importantes pour améliorer l’état des chemins vicinaux et donc permettre un essor commercial plus important. Entre 1840 et 1880 se développe aussi en France le réseau ferré en commençant par Paris et les grandes villes, puis ensuite les campagnes. Ce qui permet une spécialisation des régions, de se rendre dans les foires et aux engrais d’arriver dans les campagnes.
Carte des voies du communication Tarnaises en 1854.
Ainsi au cours du XIXe siècle les propriétés viticoles de grande taille subissent des changements des techniques d’exploitation. Ces changements, qui vont se poursuivre au long du XXe, sont intimement liés à l’enrichissement que connaissent les notables à cette période et qui leur permet donc d’investir dans des nouveautés augmentant le rendement. Les structures comme le chai qui occupaient une place de choix se voient donc être modifiées, quitte à perdre de leur valeur symbolique, selon les besoins et la vocation que l’on veut leur attribuer. C’est désormais le rendement qui prime et tous les moyens sont bons pour l’augmenter.