Les outils de vinification

Nous allons ainsi voir les outils utilisés de l’entretien de la vigne à la mise en chambre (mise en tonneau). Le rôle du vigneron est d’abord d’entretenir la vigne ; pour se faire, il dispose d’outils semblables à ceux utilisés durant l’Antiquité. A l’époque Moderne, on utilise ainsi pour travailler la terre et la vigne la houe, la serpe ou encore la serpette. Simples de fabrication et d’utilisation, ces derniers s’inscrivent dans la continuité des outils des périodes antérieures.

Illustration d’outils viticoles (dont des houes et une serpette) , extrait de l’Encyclopédie Diderot D’Alembert de 1762.

Au moment des vendanges vient l’étape du cueillage. Cette action se fait aux alentours du mois d’août et de septembre (la période dépend de la zone géographique). Le cueillage consiste à ramasser les grappes de raisins directement sur les pieds de vignes. Durant l’époque Moderne, les hommes qui ramassaient le raisin se déplaçaient à pied dans les champs et à l’aide de serpes, coupaient les grappes qu’ils mettaient ensuite dans un panier situé sur leurs têtes ou sur leurs dos.

Le raisin récolté est ensuite trié en fonction du vin voulu. Ainsi, pour faire du vin rouge, le raisin est foulé. Cela consiste à l’écraser pour en extraire au mieux le jus que contiennent les grappes. Sous l’Ancien Régime, cette étape est « rudimentaire ». Un homme rentre dans un bac en bois prévu à cette effet contenant de nombreuses grappes de raisins et foule avec ses pieds jusqu’à ce que les raisins soient dépourvus de jus. Le tout étant ensuite mis dans des barriques à fermentation. Le temps de fermentation du vin rouge à l’époque Moderne dure entre deux et quatre semaine, ce qui est long et donne en conséquence des vins de goutte qui ne peuvent être consommés qu’en étant dilués. Là encore, il est important de mettre en avant les similitudes avec les méthodes de l’Antiquité. Olivier de Serres développe longuement cette étape dans une partie de son ouvrage qu’il a appelé  façonner les vins :

« La façon des vins requiert pour la première oeuvre le fouler des raisins ; car selon leurs diversitez et les païs, diversemet aussi se gouverne-on en cest endroit. La plus aisée manière de fouler les raisins ; en est par le fouloir mise sur la cuve, dans laquelle un homme à pieds nuds et bien lavez, espraint les raisins, dont le moult s’écoule dans la cuve, par des trous faits au fons de la fouloir, et après le reste du marc y est jetté par une ouverture faite audit fons leuant un aix d’inceluy. Mais ce n’est la meilleur façon pour le Vin, car ainsi la crasse et le limon des raisins, le mesle avec le moult, dont les Vins font d’autat plus intéressez, que plus ieune en est la vigne, plus gras, et plus fumé le terroir, plus pluvieux le temps de la vendange. »

Dans cet exemple, l’auteur nous explique que cette technique ne peut faire que des vins grossiers, noirs ou rouge et non des blancs délicats. S’il fait cette critique, c’est parce que d’une part, fouler aux pieds le raisin a des inconvénients tels que mélanger la crasse et le limon au moult mais aussi parce que d’autres outils apparaissent sous l’Ancien Régime, plus performants et permettant de faire des vins plus prestigieux : ce sont les pressoirs.

Pour faire du vin blanc à l’époque Moderne, on ne foule pas le raisin mais on le presse. Le pressoir est un outil datant de l’Antiquité qui a été adapté aux savoir-faire modernes. Dans le gaillacois, il a existé deux types de pressoirs, tous deux de la famille des pressoirs à vis. Dans le Tarn, on a encore aujourd’hui l’exemple du pressoir de Nicoulau. Datant du XIXe siècle, c’est un témoin des pressoirs à levier qui existaient autour de Gaillac au XVIIIe siècle. Le raisin est placé dans la maie qui est un grand bac de 5,5m² sur lequel on place des madriers (planches épaisses) qui ont pour but de répartir la force de pression sur l’ensemble de la maie. Le vigneron doit ensuite faire tourner la perche qui fait tourner la vis et fait descendre le levier, lourde pièce de bois qui mesure plus de six mètre cinquante de long pour le pressoir de Nicoulau, qui appuie sur les madriers et presse le raisin.

Restitution de principe du pressoir à grand point de Nicouleau mentionnant les principales pièces. Réalisé par L. Clouzeau (ESNA de Toulouse).

Le château Lastour situé dans l’Est du gaillacois disposait d’un de ces pressoirs en 1775.  Le pressoir de Nicoulau est l’un des rares à subsister de nos jours. Le bois et les pièces majeures de ce pressoir ont été importés et certains de ces bois sont faits pour accepter la pression du mécanisme. Pour utiliser ce pressoir, il fallait au moins 4 personnes. L’autre type de pressoir à vis est le pressoir à vis central. Plus petit, il ne mesure qu’un mètre cinquante de large et permet donc un gain d’espace dans le tinal. La perche est remplacée par une roue que l’on actionne à l’aide d’une corde.

Pour en savoir plus, voir l’interview de Sonia Servant, spécialiste du patrimoine gaillacois.

pressoir à vis centrale du petit château du Cayla (Andillac, Tarn)

Nous pouvons ainsi constater que l’ensemble des outils et des techniques nécessaires au travail du raisin ou encore à l’entretien de la terre et de la vigne puisent grandement dans les savoirs de l’Antiquité. Les progrès sont très faibles et les actions restent archaïques même si à l’exemple du pressoir, on modernise des savoir-faire ancestraux. Or, faire du vin à l’époque Moderne réside surtout dans l’après foulage ou pressurage, où le vigneron a pour mission de façonner le goût du vin à l’aide de différents outils et méthodes.