Interview de Sonia Servant, spécialiste du patrimoine vigneron gaillacois

A la question « pourriez-vous vous présenter ? », Sonia Servant nous a répondu qu’elle travaille pour le CAUE du Tarn (Conseil d’Architecture d’Uranisbme et de l’Environnement) à une mission inventaire du patrimoine bâtit du Tarn. Elle et sa collègue sont missionnées par le Département et la Région pour étudier des sujets précis tels que « le patrimoine vigneron gaillacois » à la suite duquel elles ont fait paraître un ouvrage collectif intitulé : Le Gaillac : vin de ville, vin des champs, édité par la Région Midi-Pyrénées en 2015. Leur étude a durée cinq années. Sonia Servant a fait des études d’histoire de l’art et s’est spécialisée dans l’histoire de l’architecture.

Lorsqu’on lui a demandé de nous parler du vin et de sa production à l’époque Moderne, elle nous a expliqué que durant son étude sur le patrimoine vigneron gaillacois, elle a découvert que sous l’Ancien Régime, on consomme le vin de l’année. On ne le conserve pas dans les chais. A cette époque, c’est le vin blanc qui est le plus prestigieux. Elle a été contactée car on a retrouvé dans une vieille cave gaillacoise une bouteille millésimée de blanc datant de 1731. On peut voir que c’est une production de qualité pour l’époque car le vin est contenu dans une bouteille en verre, or cette pratique se développe en France plutôt vers la fin du XVIIIe siècle. De plus, la bouteille est bouchée, cachetée à la cire et étiquetée.

Nous avons demandé à Sonia Servant de nous parler du pressoir de Nicouleau (Parisot). Elle nous a expliqué qu’aujourd’hui, on ne retrouve pas de pressoir datant de l’époque Moderne dans le gaillacois mais on est sûr que ceux datant du XIXe siècle en conserve la forme. Les pressoirs servent à faire du vin blanc. Pour faire du vin rouge sous l’ancien Régime, on laisse fermenter la vendange dans une cuve en bois pendant deux à trois semaines.

Durant son étude des chais, elle a découvert que le pressoir de Nicouleau date du XIXe siècle et est représentatif des grands pressoirs à vis qui existaient à l’époque Moderne. Il fait partie de la famille des pressoirs levier. En effet, le levier est une poutre lourde mesurant 6 mètre de long qui sert à écraser la vendange. Les pressoirs sont de gigantesques outils qu’il faut mettre en parallèle avec la taille des exploitations. En effet, à Nicouleau, où l’on pratique la polyculture, il n’y a que sept ou huit hectares de vigne. Or le pressoir est nécessaire pour faire du vin blanc, plus prestigieux et donc plus cher.

Dans le gaillacois, on retrouve deux types de pressoirs à vis. On a d’abord les pressoirs à levier comme celui de Nicouleau qui sont de grandes constructions. On place la vendange dans la maie sur laquelle on pause des madriers. En faisant tourner la perche on fait descendre le levier qui appuie sur les madriers et presse le raisin. Le pressoir peut être associé à une tenaille (voir schéma). Le second type de pressoir est à vis centrale. C’est un modèle plus petit qui mesure un mètre cinquante de large. On retrouve le même principe sauf que le système est quelque peu différent. Le levier est ainsi remplacé par un mouton et le système fonctionne avec une corde pour faire tourner la vis.

Nous lui avons enfin demandé d’expliquer ce qu’est le chai. Elle nous a répondu que le chai est le lieu de vinification. C’est l’endroit où l’on réceptionne la vendange, où on la laisse fermenter dans les cuves en bois et où on conserve la futaille. On a ainsi le tinal (tine signifie cuve en occitan) qui est le lieu où on fait le vin avec les cuves et le pressoir.

Son étude sur le patrimoine architectural lui a montré que les chais gaillacois se situent dans les hôtels particuliers proches du Tarn, dans les rez-de-chaussée. Ils sont semi-enterrés. On retrouve encore aujourd’hui des indices nous permettant de reconnaitre d’anciens chais tels que des petites fenêtres, de larges portes, des fosses dans le sol pour mettre des cuves et des murets pour les surélever ou encore des cuvettes de vidange creuser juste devant la cuve pour faire tomber le contenu lorsqu’on soutire. La question de l’orientation des chais concerne surtout les petites propriétés à l’extérieur des villes.

Il existe aussi des aménagements originaux dans le Tarn avec ce qu’on appelle des cuves bâties, de forme parallélépipédique, incrustées dans les murs du chai dans le but de gagner de la place. Ce sont des cuves maçonnées.