Les seigneurs et les évêques émergent dans la culture du vin durant le Moyen Age médian, et deviennent dès lors les plus grands propriétaires de domaines viticoles durant toute la période.
Leur vigne a une particularité forte qui est d’être soumise à des aléas, mais également à des exigences très variées. Tout l’intérêt de ces deux facteurs est qu’ils font évoluer le cycle de la vigne et particulièrement les étapes de sa culture au cours du Moyen Age.
Au contraire de l’aléa, l’exigence est le résultat d’une volonté des propriétaires de la vigne qui ne peut être ignorée par les autres acteurs et qui modifie délibérément le cycle. De ce fait, on remarque que durant la période choisie, au moins deux grandes exigences émergent différenciant par ailleurs les vignobles épiscopaux des vignobles seigneuriaux : la rentabilité et le rendement.
L’exigence de rentabilité concerne spécialement les vignobles épiscopaux à partir de la fin du milieu du XIVe siècle. En effet, la culture de la vigne devient de plus en plus onéreuse car certaines manipulations coûtent cher. Par exemple, selon une analyse de LE MENÉ Michel, dans les vignobles angevins, la taille de la vigne coûte 128 sous 10 deniers en 1384, ce qui représente un coût très élevé. Cette manipulation, pourtant essentielle, est donc effectuée plus rapidement dans les décennies qui suivent ou par d’autres travailleurs dont le travail est moins rémunéré.
Une autre manipulation normalement nécessaire est également touchée par cette exigence : le bêchage. On ne plante plus de nouveaux pieds de vigne et on utilise au maximum ceux déjà présents, même si en vieillissant ils produisent de moins en moins.
En outre, les parcelles de vigne à cultiver sont réduites : beaucoup sont laissées en friche, ce qui permet de concentrer une main d’œuvre moindre sur un espace plus réduit, de raccourcir la durée des manipulations et donc de réaliser des économies.
L’exigence de rendement que l’on retrouve dans les vignobles seigneuriaux montre une autre façon de considérer la vigne. Les seigneurs recherchent à tout prix des rendements élevés de la part de leurs domaines, car ils se doivent d’avoir leur vin à leur table en toutes circonstances. Ceci oblige les seigneurs à employer une main d’œuvre nombreuse, sur des parcelles de vignes assez étendues, et surtout de respecter les manipulations de la vigne dont le bêchage. Cette exigence implique par conséquent un coût élevé notamment par le nombre de personnes à rémunérer (compte tenu de la surface à cultiver) et le niveau de qualification de ses derniers : on aura tendance à engager un salarié qui est spécialiste d’une manipulation plutôt qu’un métayer.
Cependant, cette pratique décline durant l’époque moderne, car les codes de la noblesse changent, notamment au profit de l’art. C’est sous le règne de Louis XIV que la culture seigneuriale de la vigne disparaît dans sa quasi-totalité, au profit de la vigne bourgeoise: la vraie marque de supériorité sociale réside désormais dans le fait de vivre près du roi au château de Versailles, ce qui implique de délaisser les propriétés viticoles.
Face aux seigneurs et aux évêques, la paysannerie voit la culture viticole comme une source de revenus supplémentaire.
Pour aller plus loin :
Le MENÉ Michel, « Le vignoble angevin à la fin du Moyen Age : étude de rentabilité », Actes des congrès de la Société des historiens médiévistes de l’enseignement supérieur public, 2ᵉ congrès, Grenoble (1971), p. 81-99.
DION Roger, Histoire de la Vigne et du Vin en France des origines au XIXe siècle, Paris, Flammarion, 1959, p. 188-189.
BECK Patrice, «Les vignes et les vins du prince», Histoire antique et médiévale, 20, H.S (2009). p. 66 et suivantes