Face aux inquiétudes induites par les produits phytosanitaires, la viticulture biologique qui ne les utilise pas semble être la voie future de cette activité. Cependant, elle a aussi ses parts d’ombre.
Les viticulteurs qui se tournent vers le bio ne partagent pas tous les mêmes motivations. Certains la pratiquent pour des raisons éthiques et morales car ils veulent une production la plus respectueuse possible de l’écosystème. Ils peuvent mettre en avant le fait que ce soit bio pour diffuser cette pratique. Cependant, certains viticulteurs bio ou appelés péjorativement « nouveaux bios » ne voient en cette pratique viticole qu’une stratégie marketing. Le but étant de se distinguer et de regagner des parts de marché perdues à cause de la concurrence induite par la mondialisation et l’arrivée des nouveaux vins. Les viticulteurs ayant pour principe l’éthique reprochent à ces « nouveaux bios » de mettre en place une organisation marchande autour de la viticulture bio et ainsi de freiner la recherche de nouvelles techniques. En effet, comme ils ne sont pas profondément intéressés ils se contentent des techniques déjà existantes et ne participent pas à l’effort pour perfectionner le bio.
Ces affrontements entre les deux camps se cristallisent en 1993 avec la création du label
AB (Agriculture Biologique). Les plus radicaux s’opposent à ce label qu’ils considèrent comme un nivellement par le bas des exigences environnementales. Pour ne pas être confondus avec ceux qu’ils jugent comme les opportunistes de la viticulture biologique, ils ne mettent pas en avant leur label AB.
Dans les années 1990, les viticulteurs furent pris d’une frénésie pour le bio grâce notamment aux subventions européennes et de l’Etat français. Suite à cet élan pour le bio, il y eut une surproduction dans les années 2000. Les viticulteurs bio radicaux résistèrent en général grâce à leur clientèle avertie et à leur exportation forte. Mais les autres sont dans une situation plus complexe où ils rencontrent des difficultés à écouler leur stock même à l’étranger. Par conséquent, ils sont obligés de déclasser leur vin pour pouvoir le vendre. Cette situation est aussi causée par la soudaine méfiance des Français envers le vin bio considéré comme mauvais et suspect.
Un obstacle important au développement de la viticulture biologique est son surcoût financier. Il est souvent dit qu’une conversion en bio implique un surcoût de 30 %. Malgré les économies réalisées en produits phytosanitaires, il y aurait plus de dépenses pour la main-d’œuvre et cette pratique est plus chronophage du fait du besoin plus accru de vigilance. Un des autres éléments de surcoût est le rendement moindre. Ce sont ces arguments qui sont avancés pour expliquer des prix plus onéreux des vins bio par rapport aux vins conventionnels. Cependant, certains viticulteurs bio refusent d’augmenter leur prix pour ne pas réserver ce produit à une frange aisée de la population.
L’image du bio est toujours positive, « verte » et saine. Certes, elle n’utilise pas d’intrants chimiques de synthèse mais elle consomme fortement du cuivre et du soufre. Une des préparations qui en contient est la bouillie bordelaise. Ces molécules sont toxiques à fortes doses pour le sol, les poissons et les animaux. De plus, une vigne bio proche d’une vigne conventionnelle a de forts risques d’être contaminée.
La viticulture biologique est une alternative intéressante mais elle est pour le moment seulement applicable sur une petite échelle. En outre, elle est encore en recherche d’elle-même.
La viticulture raisonnée peut répondre aux enjeux environnementaux tout en s’adaptant à la conjoncture actuelle.